J’ai travaillé à OnVautMieuxQueca

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vais me présenter, car il y a peu de chance que vous me connaissiez.

J’ai travaillé approximativement 7 années dans des entreprises au management inhumain ou dans des métiers intrinsèquement difficiles. J’ai été agent d’entretien, j’ai travaillé dans plusieurs usines d’agroalimentaire et j’ai enfin travaillé en restauration rapide où je suis restée plusieurs années durant mes études. Ensuite, je suis enfin tombée sur une entreprise au management humain. J’y ai eu l’impression d’être véritablement sauvée, alors qu’il n’y avait rien de révolutionnaire : la seule différence est qu’on m’y faisait confiance, j’avais le droit d’utiliser mes mains pour prendre les objets comme je le souhaitais, on ne me suspectait pas de « prendre des vacances » quand je m’absentais pour 40 degrés de fièvre, j’avais le droit d’aller aux toilettes quand j’en avais besoin, je ne voyais jamais de collègues en pleurs, je n’entendais plus d’engueulades, les clients ne m’y menaçaient plus de mort. Et, comble du luxe, j’avais le droit de boire de l’eau sans demander une permission…

Le monde du travail déconne, et plus que sévèrement.

J’en ai pris conscience la première fois à l’usine, j’étais alors intérimaire et nous travaillions dans le froid, assis, à faire des gestes répétitifs. Le boulot était parfaitement insensé évidemment, comme c’est souvent le cas à l’usine. Nous avions une seule pause repas sur huit d’heure de travail, aller aux toilettes était mal vu. Un jour, une ancienne ouvrière nous a dit que nous avions le droit à une autre pause, pour nous réchauffer notamment. On nous l’avait sciemment caché…

Mes autres expériences n’ont fait que confirmer que ce statut d’esclave et le summum a été atteint en restauration rapide. Je n’ai pas besoin de vous raconter, la catégorie fast food décrit en détail tout ce que j’y ai vécu, à travers les propos de dizaines d’autres équipiers de tout bord, de toute la France. Et pareil dans tant d’autres domaines, pour tant d’autres statuts ou métiers… Le harcèlement comme mode de management, l’aliénation en un point inimaginable où chacun des mots, des microgestes est dicté par une norme, qui, si elle est bafouée, mérite une engueulade salée, parfois des insultes, souvent du mépris. Bienvenue en enfer.

Je n’ai pas digéré ces expériences. Jamais. Impossible de me résigner à les accepter, impossible de m’adapter mentalement à ça. Alors, j’ai agi comme je le pouvais avec ce que je pouvais. Ce n’est pas grand-chose, mais j’ai essayé. Comme je suis auteur malgré moi depuis toujours, j’ai d’abord écrit énormément, livrant mes témoignages en détail il y a fort longtemps ailleurs. Ensuite, j’ai livré tout ce que je savais pour survivre dans ces milieux, j’ai donné toutes les informations que je pouvais. J’écrivais en quelque sorte ce que j’aurais voulu qu’on me dise alors que j’étais nouvelle. Pour me préparer, non pour fuir ce milieu. Parce que comme la plupart des témoins sur OVMQC, je n’avais pas le choix. J’avais besoin d’argent pour manger, et c’était le seul boulot étudiant à disposition.

J’ai tiré de cette expérience une leçon. Il faut médiatiser tant que possible les saloperies qui nous arrivent au travail. En parler de toutes les façons possibles, parce que c’est percer l’abcès, libérer l’infection que ces expériences de vie malheureuses nous ont filés, c’est la première étape – en tout cas cela l’a été pour moi – qui a permis d’entamer une guérison. Ensuite, il faut délivrer toutes les informations qu’on peut avoir à autrui. Parce que l’information c’est le pouvoir, mais ça c’est une autre histoire, peut-être hors sujet de ce témoignage.

Alors à tous les pseudocritiques, qui se sont moqués des témoignages parce que « c’est pas ça qui va faire bouger les choses », parce que c’est « plaintif », parce que c’est une révolution qu’il faut, j’aimerais dire des mots extrêmement grossiers, mais je vais me retenir.

Que les personnes puissent libérer ces histoires d’elle, c’est une première étape nécessaire pour ne plus être aliéné par ces histoires. C’est mettre dehors les problèmes, pour pouvoir les manipuler comme des objets sur lesquels on peut avoir un contrôle, une prise. C’est retrouver son pouvoir. Alors oui, y a pas de dragons dans cette histoire, y a pas de porte-parole qui prend la tête d’une manifestation tel un héros futur d’une révolution qui ne mènerait qu’à refaire le même monde encore dominé par une poignée d’individus. Mais il y a des gens plus libres. Du pouvoir en chacun retrouvé. C’est invisible et personne n’en tire de gloire épique, mais c’est un monde nouveau qui, en silence, discrètement se construit en chacun.

Ma deuxième étape, pour ma part, a été de chercher coûte que coûte des solutions de tout bord, de faire de la recherche. Et pour être tout à fait sincère, cela s’est fait par le plus grand des hasards ou par un subterfuge de mon inconscient peut-être.

J’écrivais un livre sur la manipulation et j’ai voulu encore parler travail, notamment parce que mon expérience personnelle m’avait fait croiser la route de manipulateurs au travail, sur un versant harcèlement. Alors, j’ai lu des dizaines de bouquins de témoignages sur le travail, j’ai cherché des dénominateurs communs d’exploitation, de manipulation, j’ai tenté de tout synthétiser et j’ai essayé de donner des idées contre le harcèlement, contre la souffrance, contre l’exploitation, etc. J’ai appelé ce bouquin l’homme formaté et ce bouquin je l’ai laissé sur le net, gratuit , sous licence libre, pour ceux qui en aurait besoin. C’était le minimum à faire.

Alors c’est en toute logique que j’ai rejoint l’équipe d’OnVautMieuxQueCa alors qu’elle ne portait pas encore ce nom, avant que la première vidéo voie le jour.

Je ne suis pas vidéaste. Avec l’équipe, je me suis occupée du site, des réseaux sociaux, de l’édition des témoignages, des mails, j’ai échangé avec pas mal de témoins, j’ai lu et mis en page un nombre incalculable de vos aventures professionnelles.

Et pour être tout à fait sincère quitte à paraître brutale, c’était une expérience terrible. J’aurais voulu qu’elle n’est jamais eu lieu, j’aurais voulu que l’appel à témoignages soit resté lettre morte, ou qu’on ne reçoive que des témoignages bidons, superficiels, prouvant qu’on avait tord qu’il y avait un problème avec le monde. Mais non, on en a reçu des milliers, criant de vérité, détaillé, parfois il y avait même des copies de mails, des documents officiels que l’on n’a pas mis en ligne pour des raisons d’anonymat.

Je pensais que j’étais rompue mentalement, à supporter faire face à l’horreur : mes recherches pour mon livre m’avaient habitué aux suicides, aux vices du harcèlement, à l’enfer de l’exploitation, à l’injustice et à la dévalorisation, à l’énervement du stupide administratif. Je savais à quoi m’attendre. Et pourtant non. À de nombreuses reprises alors que j’éditais les témoignages, j’ai été obligé de m’arrêter, prendre un peu l’air, réfléchir et méditer pour desserrer ma gorge, désengorger ma machine à empathie qui avait été dévastée par l’histoire que je venais de lire.

Alors j’ai essayé de répondre avec le plus de compassion et de reconnaissance aux témoins, mais nous avons été submergé de travail, il y avait un retard monstre de traitement de témoignages, certains attendaient depuis plus de 6 mois, alors je ne pouvais pas répondre comme je l’aurais voulu. J’aurais voulu faire passer au moins un «je t’ai entendu, ton histoire est dans ma tête, j’ai fait miroir avec toi, je reconnais ce que tu as vécu », mais avec seulement un mail, c’est difficile.

Fort heureusement, qu’elle n’a pas été ma joie de voir que sur les réseaux sociaux, sur les commentaires du site, vous vous souteniez les uns les autres. Vous palliez à nos débordements et faisiez exactement ce que je me reprochais de ne pas faire : vous apportiez votre soutien, confirmiez cette réalité vécue, reconnaissez les histoires et leurs acteurs, donniez des conseils, et tant d’autres chaleurs humaines encore. C’était tellement formidable d’observer cette coopération naturelle, cette solidarité tellement plus forte et vivace que les quelques haineux traînant parfois sur nos réseaux.

Tous contre cette adversité. Tous ensemble. Peut-être que c’est en voyant cette forte solidarité que j’ai commencé à changer mon regard sur les témoignages et réussir à dompter ma machine à empathie. À chaque témoignage, je me suis demandé « qu’est ce qu’on pourrait faire. Qu’est-ce qui pourrait changer la donne ? Qu’est-ce qui aurait pu éviter cette situation ? ». J’ai retrouvé mon angle d’attaque propre à mon activité sur le site hacking social, et l’espoir est revenu.

Finalement, les problèmes dans tous les corps de métiers étaient similaires sur quantité de points : dans l’entreprise le mobilier, le produit ou le temps/profit attribué à un service ont plus d’importance que l’humain qui est une ressource qui n’est pas considérée, pas entretenue, qui est jetables et martyrisable. En conséquence notre catégorie « dévalorisation » s’est enflée de façon épouvantable.

Pourquoi ? À cause du contexte économique, où le chômage est massif, l’humain est devenu une ressource si abondante que la bonne santé d’une pizza est plus importante que celle du chauffeur qui la livre. Ce n’est pas une métaphore illustrative, je fais là référence au témoignage d’un livreur dont le manager s’est enquis de l’état de la pizza avant l’état de son employé, et il y aurait des milliers d’autres exemples de la sorte, comme ceux on l’on prive d’aller aux toilettes, de boire de l’eau, de soins médicaux âpres un accident du travail. Les droits humains sont ici bafoués sans complexe et je comprends parfaitement que les employés, les ouvriers, les agents, les chômeurs et même les cadres (qui n’échappent pas non plus au harcèlement) ne répliquent pas, semble en apparence se « laisser faire » : la « guerre » syndicale prend du temps, de l’énergie, met parfois en danger l’employé (qui se fait harceler) ; l’appel à l’inspection du travail reste parfois sans voix, car eux aussi sont surmenés, et lorsque la bataille juridique se met en œuvre, cela prend parfois des années. Quant à « ouvrir sa gueule », taper du poing sur la table, hé bien c’est risqué de perdre son emploi, et les gens ont légitimement peur d’avoir faim. Pire encore, les sans-emplois sont stigmatisés, d’horribles préjugés courent sur cette population chaque année plus massive, poussant les gens à repousser pourtant une lettre de démission ou un licenciement qui sauverait pourtant leur vie.

Au risque de surprendre, je tiens à dire que certains témoignages de sans-emploi m’ont gonflé d’espoir. Incroyablement fortes, ces personnes qu’on dit exclues sont on ne peut plus intégrées à mon sens à ce qu’on appelle la vie : écolo, décroissante, débrouillarde, sociable, hyperactive dans leur environnement proche, j’ai eu la chance de lire ces témoignages de personnes que la société abîme, mais qui se « vengent » avec une lumière et un élan vers le monde extraordinaire. J’aimerais que tous puissent avoir la chance de s’imprégner de ces histoires et qu’on en finisse définitivement avec ces idées que les chômeurs seraient des feignants ou que sais je encore. C’est un préjugé stupide, injustifié et injustifiable, qui ne sert qu’à rassurer une conception du monde erronée.

Alors voilà, j’ai fait des opérations de synthèse dans ma tête, additionnant mon expérience personnelle, tous les témoignages que j’ai lus et édités, tous les témoignages de mes proches, toutes les recherches sur le travail que j’ai faites pour l’homme formaté et mon petit bouquin sur les biais de pôle emploi et le résultat est fort personnel, et il me semble qu’il faille donner du pouvoir aux gens de faire face aux rouleaux compresseurs que sont les entreprises et les organisations inhumaines.

Ce pouvoir, c’est tout simple, il s’agirait d’un revenu inconditionnel à tous permettant de vivre avec décence, quelle que soit la situation. Un revenu attribué aussi aux salariés afin que ce revenu ne soit pas atteint des préjugés comme ceux des allocations. Ainsi, les personnes n’auraient pas peur de taper le poing sur la table lorsqu’il advient quelque chose d’inacceptable au travail, n’aurait pas peur de faire des démarches pour améliorer les entreprises, n’aurait pas peur d’engager des procédures judiciaires lorsque les lois sont bafouées, de démissionner si besoin. Les étudiants pourraient étudier le ventre plein, sans avoir à travailler à outrance dans des organisations qui les broient. L’intérim, les petits contrats ne seraient plus complètement synonymes de précarité, mais pourraient être un choix ponctuel pour vivre d’autres vies à côté, tout aussi nécessaire à la société (la vie de famille, la vie de musicien, la vie d’écrivain, la vie d’auteur, la vie associative, la vie d’aidant…). Les gens ne sont pas des feignasses, ils veulent vivre avec sens, joie, ils veulent être utile et franchement on est plus utile auprès d’un proche malade qu’a empilé des cartons 8heures par jour. L’humain n’aime se prélasser sur un canapé devant la télévision que lorsqu’on est totalement ruiné par la fatigue, les problèmes ou la dépression ; la fainéantise est la conséquence de conditions trop dures, de problèmes. Regardez les gamins heureux, jamais ils ne s’arrêtent de créer, d’inventer, ils ne sont fainéants que lorsqu’ils sont parfaitement épuisés. Nous serions ainsi, pleins d’énergie et d’enthousiasme, si nous avions un peu de sécurité mentale, suffisamment pour avoir l’énergie de rêver, réfléchir, puis œuvrer. Et nous serions prêts à vivre des aventures dans des métiers pénibles, s’ils pouvaient nous permettre de vraiment gagner plus monétairement, si on pouvait être libre de s’en détacher sans craindre de crever de faim.

Un vrai revenu inconditionnel, universel serait une solution. À tous les témoignages que j’ai lus, j’ai imaginé ce qui aurait pu se passer si la personne avait cette sécurité financière. Bon nombre de témoignages auraient pu être résolus par cette question, ou auraient permis de donner du pouvoir à la personne pour sa lutte pour améliorer l’entreprise, contre les harceleurs ou les systèmes écrasants.

Puis la question du revenu universel (ou de base, donnez-lui le nom que vous souhaitez) est entrée dans le débat public, à ma plus grande joie. Seulement en quelques semaines elle a été abattue de toute part par toute sorte d’influenceurs, y voyant là une offensive néolibérale (ce n’est pas complètement faux lorsque ce revenu est bas et supprime les allocations par exemple), ou une déresponsabilisation de l’individu (bonjour le biais d’internalité), une utopie impossible (car trop cher à payer soi-disant, pourtant certains ne se privent pas de s’arroser d’argent), un risque pour la société que tout le monde refuse de faire les sales boulots, etc. Et actuellement, il semblerait que le vrai revenu universel soit remis au placard des idées farfelues-utopiques-dangereuses-manipulatoires, même dans la tête des citoyens qui en auraient pourtant le plus besoin. C’est vraiment dommage, sachant que d’autres pays ont adopté cette première étape sociale d’un changement de paradigme par les citoyens eux-mêmes (eh oui, gagnant en temps de réflexion et d’action, ça permet que chacun puisse se mettre à changer le monde, c’est aussi cette idée qui fait peur aux puissants) et que cela fonctionne plutôt positivement.

Soit. Le changement de paradigme se fera d’une manière ou d’une autre, j’ai confiance et je vais vous dire pourquoi.

J’ai dit à un moment donné de ce témoignage que l’expérience Onvautmieuxqueca avait été horrible. Cela a été vrai un temps : oui j’ai été horrifiée par la quantité phénoménale de témoignages glaçants que j’ai lu. Le monde est à la bourre, le monde du travail est catastrophique, mais pas vous. Vous, vous valez beaucoup. Vous me l’avez prouvé à moi en tout cas, et j’ai confiance en votre potentiel de changement, dans votre sabotage des lieux qui déconnent, dans votre solidarité contre l’adversité, dans vos révolutions singulières et inattendues qui feront de ces histoires horribles une force de changer le monde. Vous y arriverez, cela se lit dans vos écrits si intelligents, si brillants, si fins dans leur capacité à percevoir ce qui pose problème. J’ai été bluffé, vraiment, par les jeunes, les vieux, les chômeurs, les ouvriers, les cadres, tous aussi brillants. Vous avez un temps d’avance sur la société, il « suffit » maintenant d’adapter la société à votre temps, notre temps d’avance.

Cette solution partant du gouvernement n’est pas la seule possible, c’est aussi en cela que réside ma confiance. J’ai vu beaucoup de hackers sociaux au boulot, insoumis, qui transformait l’atmosphère au travail pour contrer les sales pratiques ou le harcèlement. J’ai eu la chance dans mes recherches de tomber sur des organisations qui fonctionnent avec un nouveau paradigme, moins injuste, plus humain, plus libre (je conseille le doc « le bonheur au travail » d’Arte, ou encore « reinventing organizations » qui se trouve aussi en français, livre et conférence ; j’en parle dans mes écrits, mais plus sommairement). Mais tout cela, il serait peut-être encore hors sujet d’en parler ici.

Mon aventure à Onvautmieuxqueca est maintenant presque terminée. Et je dirais pour conclure ce chiffre : 1330.

C’est le nombre de pages que fait le PDF auquel je participe, où l’on a compilé vos témoignages. Peut-être qu’il en fera plus après quelques corrections, ou moins si vous refusez que votre témoignage y soit (prévenez-nous!). Quoiqu’il en soit, il sera gratuit, en format numérique, à disposition de tous ceux qui veulent trouver des solutions à ces problèmes, qu’ils soient chercheurs ou changeur de monde, hacker social, cracker social, politicien rebelle, activiste, militant, curieux ou tout simplement déterminé à œuvrer enfin et non plus travailler. Et nous l’enverrons aussi à qui de droit. On en reparlera ensemble bientôt avant d’en décider ses destinations, parce ce PDF c’est avant tout le vôtre. [edit : il est là à présent : onvautmieuxqueca_votre_livre 1.1 ]

Merci de m’avoir montrer votre solidarité, merci de m’avoir offert ce paysage humain avec tant de potentiels, si forts à refuser de se résigner et si intelligent de ne pas accepter l’inacceptable.

Merci à vous tous et je vous souhaite surtout une excellente continuation.

Viciss Hackso

Plus d’infos sur le livre en préparation : http://www.onvautmieux.fr/2017/03/15/a-tous-les-temoins-important

28 commentaires sur “J’ai travaillé à OnVautMieuxQueca

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  1. Merci pour votre travail et merci pour ces mots. J’aurais voulu témoigner, j’ai hésité, vous aviez déjà trop de lectures et mon témoignage, au final, n’aurait pas été pertinent puisque je me suis retrouvée dans beaucoup de récits. Je suis chômeuse de longue durée, jeune, motivée et on ne me laisse pas ma chance et au final, quand je vois tout ça je relativise. Je suis de ces personnes qui, si elles le pouvaient, changeraient le monde, pour le rendre plus vivable, plus respectueux, plus intelligent, à la hauteur de notre humanité et non esclave de l’argent. Il y aurait tant de choses à tenter, quitte à se planter, mais au moins essayer et en tirer le meilleur. Le revenu universel, j’en ai entendu parler grâce à Usul dans « mes chers contemporains », je ne suis pas économiste dans l’âme, je n’ai jamais vraiment apprécié la politique mais grâce à des gens comme vous qui s’investissent autant, je peux me forger une opinion et un intérêt pour la question, et ce revenu j’en rêve car il réglerait bon nombres de problèmes , je ne dis pas que c’est une formule magique qui fera tout, d’autres problèmes seront à résoudre alors, mais au vu de la situation actuelle, comme elle se dégrade de jour en jour, je ne comprends pas pourquoi on ne laisse pas sa chance à cette nouvelle façon de vivre.

    Suite à ce pavé je vais simplement remercier toute l’équipe de OnVautMieuxQueca, les connus comme les « invisibles », et je vous le demande, continuez ce que vous faites, continuez à redonner espoir, continuez à nous informer, n’ayez pas peur de prendre des initiatives! Merci.

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  2. Merci pour ce site, ces témoignages, cette co-création d’un mouvement de prise de conscience. Il faut combattre la perversité actuelle et revenir à un rapport sain au travail, au monde et à soi. Le travail ne devrait pas rimer avec abrutissement et soumission.
    Ancien salarié précaire, j’ai profité du chômage pour apprendre et devenir travailleur indépendant, et je peux vous garantir que cela permet de se positionner de façon bien plus sereine quand on répond à un besoin. C’est ma solution, pas parfaite (je n’ai pas des revenus élevés), il y en a d’autres. Ne vous laissez pas manipuler par les psychopathes qui ont du pouvoir, nous sommes plus forts qu’eux !

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  3. Merci à vous et à cette équipe j ai adoré vous lire me lire j’ai été fière et le suis encore et grâce à cela je sais que nous sommes nombreux à avoir souffert à souffrir mais tous au final très forts et très courageux, superbe lecture que la vôtre
    je serai honorée que mon texte y figure

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  4. Le revenu universel c’est aussi individualiser tous les acquis sociaux obtenus après guerre (le CNR, peut être le dernier organe qui a placé l’humain et l’avancée sociale comme objectif de ses décisions). C’est donc réduire ce socle commun à l’individu consommateur. Par les temps qui courent, je ne crois pas un instant que ce revenu de base ne soit qu’un autre moyen de dissoudre ce qui nous reste du CNR.

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  5. Mille fois merci pour votre travail et votre dévouement, Viciss !
    Ce sont tous ces témoignages qui m’ont permis de comprendre les difficultés que j’avais à m’intégrer dans ce monde, mais aussi qui m’ont fait prendre conscience des solutions qui existaient.
    Si j’ai enfin une vision de l’avenir, c’est grâce à vous, toutes et tous.
    Encore merci, du fond du cœur.

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  6. Merci à vous pour votre initiative. Cela m’a permis de témoigner il y a maintenant 1 an quand j’ai été mise dehors parce que j’avais osé dire à mon patron que la loi n’était pas respectée dans sa manière de manager… Aujourd’hui je suis la plus heureuse des employées dans un domaine que je ne connaissais pas, pour lequel je n’avais pas fait d’études mais dans lequel je sens enfin un avenir. L’humain est au coeur de mon entreprise. Ce n’est pas « parfait » mais franchement ça fait du bien et ça redonne espoir.
    Je le souhaite à tous ceux qui ont vécu des moments professionnels difficile mais aussi à ceux qui rentre dans la vie active.

    Ne pas se laisser faire, comprendre qu’on ne doit pas se définir par le travail et par notre poste mais bien que nous sommes chacun une personne à part entière. Personne ne mérite d’être traité comme certains se sont fait traiter dans beaucoup des témoignages. Peu importe l’âge, le sexe, le milieu professionnel, la religion, la préférence sexuelle ou encore la couleur de peau. Les valeurs de la France ne doivent pas se retrouver dans la haine.

    Enfin, je suis d’accord avec le revenu universel. Cela permettrait de réduire beaucoup d’illégalités.
    Certains sont septiques, et je peux le comprendre, mais rien que pour aider les étudiants à ne pas se rabattre sur un travail en 35h (je pense notamment au témoignage d’une jeune fille qui a travailler en tant que caissière durant ses études et à qui ont à refusé un jour de congés pour passer ces examens) et arrêter les études alors qu’ils pourraient être de grands chercheurs pour la France, de grands doctorants ou que sais-je encore. Nous n’avons pas tous un papa qui s’appelle Fillon, entre autres.

    Non, les français ne sont pas des fainéants, non, le chômage n’est pas une tare quand il permet de se remettre en question et de réfléchir à une meilleure situation pour soi, mais il est insupportable quand il est trop long malgré nous. Et OUI, ON VAUX MIEUX QUE ÇA !

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  7. Bonjour Viciss Hackso !
    Je ne sais pas si ton propos m’est adressé s’agissant de cette phrase que tu as écrite, mais il semblerait que oui : , je te trouve extrêmement gonflé et grossier, même sans sortir les mots que tu retiens ! Tout ce que tu as vécu de difficile et d’insoutenable donnerait-il le droit de juger l’autre et les autres parce qu’elles/ils ne font pas, comme cela conviendrait mieux semble-t-il, dans « l’empathie » et la « compassion » ? Faudrait-il rester, se limiter à tenir des propos politiquement et parfaitement corrects ? Comment peut-on décider de qui a raison contre d’autres qui auraient tord à partir du moment où elles/ils ne rentrent pas dans les codes et les tons qui agréent et sont généralement admis ?
    Je fais fi des lectures et des réflexions intellos, (dont chacun-e a besoin, naturellement, moi-même en particulier et je ne me gêne pas d’en user, mais pas que, pour s’enrichir et s’aider à s’affranchir) ….. mais ce ne sont pas les remèdes universels à mon avis, seulement des outils que l’on peut prendre et modifier à volonté en fonction des contextes et évènements différents, particuliers et spécifiques que l’on traverse et que l’on vit.
    Je ne me moque pas des témoignages, je témoigne moi-même de mon expérience de militante et de combattante, même si le ton et le contenu est fort différent de celui des autres. J’avais envie de donner la gniac aux collègues en souffrance et leur montrer qu’un autre chemin est possible. Je ne fais pas dans le pathos, l’affectif, l’émotionnel, la compassion comme cela est appréhendé par le plus grand nombre, pour ne pas enfermer les personnes et les maintenir dans ce qu’elles vivent d’innacceptables alors que c’est exactement le but de ce type de gouvernance oligarchique, dont le patronat, qui impose la soumission et l’obéisssance aveugle pour tirer de nous un maximum de profits financiers. Je navigue à contre-courant pour démonter ce qui a été construit contre nous en proposant des outils concrets et actifs, sortir des sentiers battus, des préjugés, des poncifs, des réflexes, des mauvaises habitudes, des malhonnêtetés intellectuelles, il semblerait que ce soit ça qui dérange ! J’avais envie de donner une autre vision des choses ayant moi-même vécu tant d’horreurs sans vouloir en parler, c’est mon droit. La fatigue après le boulot, le manque d’argent, etc., tout ça ce sont bien des réalités que je ne conteste pas, mais avec l’activation de la solidarité entre nous, notre inventivité, notre imagination, nos réfléxions profondes sur nos priorités et notre façon de nous organiser, individuellement et collectivement, il est possible de trouver des temps et des moyens pour agir concrètement, pour s’investir physiquement et intellectuellement dans la lutte pour la défense de nos droits pour s’affranchir des prédateurs …
    C’est ma liberté et mon droit d’expression qui me donne le choix s’agissant de quel ton je donnerai à mes commentaires . J’ai décris, en fait, comment l’on peut s’en sortir, comment je m’en suis sortie moi-même, sans donner aucun détails personnels, je l’accorde, au fil du temps, en m’opposant systématiquement et fermement, pendant mes périodes de privation d’emploi, dans l’emploi et dans les multiples emplois en CDD qui ce sont succédés (5 licenciements sans causes réelles et sérieuses à mon actif : 5 jugements Prud’homme. J’ai gagné tous les procès jusqu’en Cour Cassation.), jusqu’à être à l’initiative d’un révolutionnement du RMI sur le plan national à l’époque, jusqu’à être à l’origine d’un amendement au RSA en 2009, jusqu’à être à l’origine des actions juridiques sur le plan national, métropole et Outremers, avec une intersyndicale, contre les EPLE employeurs s’agissant des salarié-e-s en CAE/CUI qui travaillaient et qui travaillent dans l’éducation nationale. Je suis passé devant toutes les instances juridiques du premier niveau (les Prud’hommes et le Tribunal administratif, dont je n’arrive même plus à compter combien de fois j’y suis retourné pour vaincre.) jusqu’aux plus hautes instances (Tribunal des conflits, Conseil Constitutionnel, …) pour déblayer le terrain afin de soutenir et aider mes collègues connues et inconnues, dans le présent et pour le futur à court, moyen et long terme, sur tout le territoire métropole/Outremers, ce que je continue de faire, entre autres, encore et toujours à ce jour …
    Quant aux solutions, selon toi, qui viendraient « du gouvernement », lequel, lesquels de « gouvernement-s » ? Car c’est ce type de gouvernance ultra-libérale qu’il faut renverser. Ce capitalisme qui règne contre nous depuis une trentaine d’années, il faut l’abolir pour mettre en place la VI ème république et réécrire la constitution pour le peuple, par le peuple.
    S’agissant, en particulier, d’un revenu « pour tout le monde » :
    – dans ce type de gouvernance passé et actuel, cela n’est qu’une fumisterie et une attrape-nigaud-e de plus, ce seront toujours les mêmes qui en tireront tous les bénéfices,
    – hors de question de lui donner « le nom que l’on souhaite », revenu « inconditionnel », « universel », « de base », « d’existence », etc., etc., c’est méconnaître les diverses propositions des différente-s élus et/ou qui souhaitent l’être, en France ou en dehors, c’est méconnaître comment chacun-e de ces personnages le conçoit et veut l’appliquer, c’est méconnaître ou refuser de changer la société de fond en comble, c’est mon avis.
    Je n’ai pas écris de bouquins, je ne suis pas médiatisée, je reste dans l’ombre à faire du travail de fourmis, presque du 24h/24h, patiemment, avec conviction, avec détermination, envers et contre toutes et tous, envers et contre tout, afin d’aider qui en a besoin, à s’affranchir de l’insoutenable.
    Tu as oublié l’essentiel me semble-t-il : les débats d’idées. Toi tu as tiré tes propres réflexions de tes expériences, quand moi j’en ai tiré d’autres. Alors attention aux jugements péremptoires.
    Èuphrasie Cubisole

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      1. Pirouette, car tu reprends exactement mes phrases : « c’est pas ça qui va faire bouger les choses », parce que c’est « plaintif » ….
        En plus tu n’as même pas le courage de répondre et de débattre sur mes propositions et idées complètement différentes des tiennes qui ne sont pas abouties, sur le « salaire pour tout le monde », sur les propos « politiquement corrects » ou pas, etc … !
        Et encore, même si, mais je n’y crois pas, ton message ne m’étais pas adressé, manifestement il s’adresse à certaines personnes, tu ne tiens-même pas compte du contenu de mon commentaire qui t’interroge sur ton positionnement et jugement péremptoires.
        On dirait que tout ce qui ne vient pas de toi, ni tout ce qui te contrarie, ne t’intéresse pas.

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      2. Oui ces phrases là ont été dites par beaucoup de personnes, c’est pour cela. Et ces phrases m’ont énervées à l’époque parce qu’elle crachait sur le projet ovmqc et les témoins, alors qu’eux étaient reconnaissants et cela avait servi a quelque chose. Mais je respecte l’opinion de ton précédent commentaire. Je ne suis pas bavarde sur ce point car là actuellement j’ai beaucoup de choses à gérer concernant la compilation des témoignages, je suis désolée de ne pas être immédiatement disponible pour ce débat politique que tu souhaites. Un autre jour j’y reviendrais si tu souhaites mon opinion précise dessus. Encore désolée, mais cette phrase ne t’étais pas destinée personnellement, comme je l’ai déjà dit je ne te connais pas.

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      3. Mais on s’en fiche carrément de se connaître ou pas, c’est quoi cette nouvelle fuite en arrière ? Ton « opinion précise » tu le manifestes on ne peux plus clairement dans tes commentaires et de façon péremptoire. Tu te poses en donneuses de leçons, tu t’enfermes dans des poncifs et des préjugés et tu fais preuve de désinvolture sur les sujets les plus importants. C’est regretable pour tout le monde des publics qui te lisent.

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      4. Bonjour Euphrasie !

        Je trouve ça dommage que tu vois les choses ainsi. Pour la connaître un peu plus que toi, je peux te dire que Viciss ne se prend certainement pas pour une donneuse de leçon et c’est bien la dernière des personnes que je connais qui refuserait de se remettre en question si on lui montre des arguments convaincants.

        Elle ne « juge » certainement pas des individus spécifiques, elle ne te « juge » pas. Elle trouve juste que d’une façon générale, il n’est pas respectueux, pour les personnes qui ont mis des mots sur tout ce qu’elles avaient sur le cœur, de leur écrire en commentaire « c’est pas ça qui va faire bouger les choses ». Et ce, quand bien même ce serai vrai (ce que je ne pense pas personnellement).

        @Viciss je te remercie encore pour nous donner autant au travers d’OVMQC et de ton blog Hacking social.
        ❤ ❤

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    1. Prenez mon commentaire comme une simple contribution au débat politique que je trouve très intéressant.

      « – hors de question de lui donner « le nom que l’on souhaite », revenu « inconditionnel », « universel », « de base », « d’existence », etc., etc., c’est méconnaître les diverses propositions des différente-s élus et/ou qui souhaitent l’être, en France ou en dehors, c’est méconnaître comment chacun-e de ces personnages le conçoit et veut l’appliquer, c’est méconnaître ou refuser de changer la société de fond en comble, c’est mon avis »

      Vous avez raison.

      Le « salaire à vie » ou « revenu à vie », « revenu universel » etc. sans abolir le salariat est impossible.J’ai déjà écrit un article sur ce sujet (http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-revenu-universel-ne-nous-189089) .

      Le problème n’est pas dans la distribution des richesses mais dans la manière, la façon dont on produit les richesses.Cette façon de produire(la propriété privée des moyens de production, le spécialisme dans le travail, le travail contraint) engendre des contradictions insurmontable qui détruisent toutes les garanties d’existence des individus.

      La croissance économique ralentit, elle décélère.Durant les années 70, elle était à 6-5 % par an.Depuis 10 ans, elle est à moins d’1% par an.Cela signifie que le capitalisme vieillit et se meurt à petit feu et qu’il arriverait un moment où la croissance devient impossible où l’économie se mettrait à s’ effondrer c’est à dire à décroître sans cesse.

      Ceux qui prône la décroissance sont ou bien complètement fous ou bien ne savent pas ce qu’ils disent.

      Que signifie la décroissance ? Cela signifie que le nombre de destruction d’emplois est supérieur au nombre de créations d’emplois.Que l’immense majorité de la population sera au chômage.Que l’Etat(le PIB d’où dérive les impôts s’effondre) ne sera plus capable de verser le RSA, les allocations, le « revenu universel »(s’il verra le jour),  » le salaire à vie » etc.

      Et cette décroissance est absolument inévitable.C’est pour cela que le renversement du système capitaliste par la classe des chômeurs est tout aussi inévitable.Elle sera la classe la plus puissante dans la population, son idéologie(le communisme pur découverte par Marx et à ne surtout pas confondre ni avec le léninisme, ni avec l’anarchisme, ni avec le conseillisme,etc.) sera dominante et sera la dernière idéologie de l’humanité.Nous sommes donc à l’aube d’une grande révolution culturelle dont Internet sera le vecteur et qui sera alimenté par la pauvreté, la misère,l’ inhumanité du système économico-politique actuel.

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  8. Témoignage et réflexion lucides sur le monde du travail. Juste un point sur la forme : une police un peu plus grande et plus foncée ne serait pas du luxe pour le confort visuel…

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  9. Bonjour,
    Texte très intéressant. Comme je sais qu’il sera partagé, je signale quelques fautes de frappes ou de français que j’ai repéré et qui pourraient être corrigées :

    « J’aurais voulu qu’elle n’est jamais eu lieu » → qu’elle n’ait jamais eu lieu
    « comme ceux on l’on prive d’aller aux toilettes » → où l’on prive
    « de soins médicaux âpres un accident du travail » → après
    « j’ai été obligé de m’arrêter » et « je me suis demandé » → ne faut-il pas accorder et terminer par ée ?
    « que les chômeurs seraient des feignants ou que sais je encore » → fainéant
    « on est plus utile auprès d’un proche malade qu’a empilé des cartons » → qu’à empiler

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  10. Le témoignage est vraiment émouvant. C’est vrai que le monde du travail est devenu très cruel. Peut-être l’a-t-il toujours été, au moins depuis que la capitalisme est né. Je ne peux qu’imaginer à quel point ça peut jouer sur le moral que de lire et publier tous les témoignages que vous recevez à On vaut mieux que ça.

    Je suis entièrement d’accord que le travail est, en principe, l’endroit par excellence qui peut nous permettre de nous accomplir, de nous rendre et nous sentir utile à la société, d’apporter notre contribution à la société, etc. Christophe Dejours, chercheur en psychodynamique du travail, le décrit très bien ici : https://www.youtube.com/watch?v=BLet1cNcGlw&list=PL1DB7CC4B3D580C43. Seulement, c’est sans compter sur le fait que le travail est entièrement assujetti aux logiques du grand patronat et de la finance, au travers notamment des méthodes actuelles d’organisation du travail profondément destructrices pour les travailleurs.
    Dans ce contexte, je suis entièrement d’accord qu’il est urgemment nécessaire que le travail soit libéré de ces contraintes de rentabilité et de productivisme à outrance. Il est absolument nécessaire aussi que les travailleurs puissent retrouver la maîtrise sur leur travail et qu’ils puissent redonner du sens à leur travail. Je pense que c’est notamment pour ça qu’il y a de plus en plus de personnes qui rejettent l’emploi étant donné ce qui est dit dans ce témoignage et au regard de tous les témoignages recueillis par On vaut mieux que ça.

    Si je puis me permettre de donner mon avis, c’est le système qui est en cause dans tout ça. Et ce qui est en cause dans ce système, ce n’est pas le travail en lui-même parce que le travail est une composante intrinsèque à l’être humain en tant qu’être social. Ce qui est en cause, c’est au contraire le cadre dans lequel s’inscrit le travail humain. Ce cadre, c’est le capitalisme, et particulièrement le capitalisme sous sa forme néolibérale, financiarisée et mondialisée.
    Dans le capitalisme, le travail s’inscrit de façon extrêmement majoritaire dans l’emploi, le marché de l’emploi étant une des institutions principales du capitalisme par laquelle le travail est subordonné, soumis à la logique du capital. C’est le capital qui impose ses propres finalités au travail. C’est aussi lui qui impose, unilatéralement, la façon dont le travail est organisé. Dans la logique capitaliste, ne sont considérées comme travail que les activités humaines qui s’inscrivent dans un emploi et qui, par là, valorisent du capital. Voilà pourquoi, par exemple, le discours dominant prétend que les fonctionnaires ou les chômeurs ne produisent rien, ne travaillent pas, sont des fainéants et sont coûteux pour les société. En effet, le travail des fonctionnaires ou des chômeurs s’effectue en dehors de l’emploi, ce qui subvertit la logique du capital. Travailler en dehors de l’emploi est surtout intolérable pour le discours dominant et pour la capital.

    La question n’est donc pas de se demander comment sortir l’humanité du travail, mais comment sortir le travail humain de la logique capitaliste, donc de l’emploi. Dans ce domaine, la question du revenu de base universel peut effectivement paraître séduisante au premier abord. Mais quand on regarde le revenu de base tel qu’il est conçu par ses défenseurs, il ne remet absolument pas l’emploi en cause et ne se propose absolument pas d’émanciper le travail humain de la logique de l’emploi. Le montant de ce revenu de base est identique pour tout le monde, est sans aucune possibilité d’évolution, et n’est absolument pas suffisant pour vivre. Qui souhaite vivre décemment doit donc en passer par l’emploi, et donc par le dictat du capital, pour pourvoir à sa survie matérielle.
    Le sytème du revenu de base a d’ailleurs déjà été expérimenté dans l’histoire : en Angleterre à la fin du XIXième siècle, au travers du système Speenhamland. C’est l’anthropologue hongrois Karl (Károly) Polányi qui a analysé ce système : il montre que celui-ci s’est soldé par une baisse généralisée des salaires. En effet, dans un tel système, dans lequel tout le monde perçoit déjà un revenu financé par l’État (donc par l’impôt), les employeurs estiment qu’ils n’ont plus qu’à verser un complément à ce revenu, complément qui permet aux travailleurs d’atteindre un revenu égal au SMIC, par exemple. Les salaires baissent donc de ce fait. Et dans le système actuel, le revenu de base accompagne parfaitement son évolution vers une ubérisation intégrale du travail. L’ubérisation du travail transfert celui-ci du marché de l’emploi vers le marché des biens et services, ce marché étant beaucoup plus précaire et aléatoire pour les travailleurs que le marché de l’emploi. C’est le retour au travail à la tâche. Dans ce cas-ci, le revenu de base conviendrait parfaitement pour pallier à l’extrême pauvreté induite par le travail à la tâche. Mais avec ce revenu de base, on ne sort absolument pas de la soumission du travail à la logique du capital et ce système jette les travailleurs dans une très grande précarité.
    Il faudrait d’ailleurs se poser la question de la différence entre les termes « revenu » et « salaire ». Le mot « revenu » pose la personne qui en bénéficie comme un être de besoins, comme un consommateur, à qui ont octroie de l’argent de poche, le revenu, pour subvenir à ses besoins de consommation. N’est-ce pas infantilisant et humiliant que d’être considéré uniquement comme un consommateur à qui on donne généreusement de l’argent de poche pour consommer ? Le salaire, au contraire, pose le travailleur comme un être producteur de valeur, de richesse, dont celui-ci tire légitimement le fruit.

    En revanche, le système du salaire à vie, porté par Bernard Friot et le Réseau Salariat (https://www.reseau-salariat.info), est, lui, réellement émancipateur pour le travail puisqu’il se propose d’extraire le travail humain de la logique de l’emploi et du capital.
    La puissance du salaire à vie réside dans le fait qu’il repose sur des institutions qui existent déjà et qui subvertissent l’emploi et le capitalisme. Ces institutions sont les suivantes : le régime général de sécurité sociale (financé par la cotisation sociale), les retraites par répartition (financées par la cotisation), la qualification personnelle et le statut de la fonction publique. La cotisation sociale finance le salaire des personnels hospitaliers, la continuation du salaire des malades, le salaire des indépendants de santé conventionnés, et les investissements hospitaliers. La cotisation retraite finance la continuation du salaire, pour les retraités qui ont une pension proche de leur dernier salaire. Une partie de l’impôt finance le salaire des fonctionnaires d’État. Le salaire des fonctionnaires d’État est d’ailleurs rattaché à leur personne et à leur qualification personnelle, contrairement aux salariés du privé dont le salaire est rattaché au poste de travail.
    Les personnels hospitaliers, les retraités percevant une pension proche de leur dernier salaire, et les fonctionnaires travaillent en dehors de l’emploi ; leur salaire peut être considéré comme du salaire à vie. Si ces institutions sont attaquées de façon tellement acharnée par les politiques néolibérales depuis maintenant une trentaine d’années, c’est bien parce qu’elles subvertissent la logique capitaliste.
    La salaire à vie se propose de généraliser le fonctionnement de ces institutions à l’ensemble de la vie économique et du travail. Il s’agit donc d’assumer que les travailleurs sont les seuls producteurs de valeur économique et de richesse. A ce titre, ils sont les seuls à devoir en bénéficier à travers les salaires et les investissements. Le système du salaire à vie se propose de conférer aux travailleurs l’intégralité de la maîtrise de la richesse produite par le travail à travers des caisses de salaires et d’investissement. Ces caisses seraient intégralement gérées pas les travailleurs et fonctionneraient sur le même modèle que la caisse de sécurité sociale. Ce n’est que comme ça que les travailleurs pourront reprendre la maîtrise sur leur travail, sur le sens qu’ils donnent à leur travail, sur les orientations données à la production, etc. Il s’agit donc aussi, par ce système, d’élargir le champ de la démocratie au monde du travail. Dans un régime politique qui se prétend démocratique, il est quand même étonnant qu’on tolère que le monde du travail fonctionne de façon totalement anti-démocratique et autoritaire. Et les gens passent quand même une très grande partie de leur vie au travail. Dans ce système, enfin, les travailleurs seraient co-propriétaires d’usage de leurs moyens de production.

    Pour connaître en détail le fonctionnement de ce système, je renvoie à toutes les vidéos de Bernard Friot disponibles en ligne, à tous les articles et à tous les livres dont on peut trouver les références sur le site du Réseau Salariat (https://www.reseau-salariat.info).

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