Indépendante… enfin, sur le nom du contrat.

Je suis avocate « collaboratrice libérale »… Sur le papier.

 

Je ne pense pas être la plus à plaindre, mais n’ayant pas encore trouvé de témoignage similaire sur la plateforme, je voulais apporter ma pierre à l’édifice et partager ce qui est ma réalité actuelle, et celle de beaucoup de confrères et de consœurs.

 

Et aussi, pour donner un autre point de vue que celui de la plupart des gens (et certains ministres…) qui qualifient les avocats de « privilégiés » avec de l’argent plein les poches.

J’ai décroché un contrat dans un cabinet de droit des affaires, après environ 7 ans d’études, dont un examen-concours assez difficile d’accès pour entrer à l’école des avocats et 18 mois de stages cumulés en cabinet.

Comme pour la plus grande majorité des jeunes avocats, mon contrat n’est pas un contrat de travail, mais un contrat de « collaboration libérale ».

Cela signifie, en principe, que je suis une avocate indépendante à mon propre compte, que je ne suis soumise à aucun lien de subordination par rapport à mon « cabinet d’accueil » et que je suis libre, en parallèle de mon activité pour ce cabinet (mon « client principal » pour ainsi dire), de développer une clientèle personnelle qui me permettrait à terme, de prendre mon envol en ouvrant mon propre cabinet ou en m’associant avec d’autres avocats.

En contrepartie de cette belle liberté, je dois m’acquitter de charges assez lourdes.

Je dois ainsi cotiser à l’URSSAF comme une vraie chef d’entreprise libérale, et je suis soumise au RSI (Régime Social des Indépendants), beaucoup moins protecteur que celui des salariés et qui, en pratique, nous force à souscrire à une prévoyance complémentaire payante qui complète tant bien que mal ce régime coûteux et squelettique.

 

Bien entendu, je dois aussi m’occuper de la comptabilité, ou payer un comptable pour qu’il le fasse à ma place, n’ayant pas le temps de me familiariser avec les subtilités de la matière. Je dois aussi adhérer à un centre de gestion agréé afin de ne pas être pénalisée sur ma déclaration d’impôts, payer les cotisations ordinales, etc.

 

Bref, ça fait un bon paquet de pognon.

 

Ce n’est donc pas mon cabinet d’accueil qui a la charge des cotisations sociales, mais moi-même. Ce qui fait que tous les mois, je provisionne la moitié de ce que le cabinet me paye en rétrocession d’honoraires, en prévision de ce que les organismes divers et variés vont me réclamer.

En ce qui concerne ces charges, présentées comme la contrepartie de la liberté, elles sont bien là.

En ce qui concerne l’aspect véritablement libéral de l’exercice de ma profession, c’est une autre affaire.

Sur le papier, le cabinet d’accueil me forme sur le terrain, et me paye une rétrocession d’honoraires fixe (une sorte de salaire duquel je dois déduire mes propres charges patronales) pour que je puisse traiter une partie de ses dossiers.

 

Ça, c’est la théorie.

 

En réalité, la formation peut être assez sporadique car l’objectif – légitime de surcroit – du cabinet étant surtout de faire du profit, et le temps étant de l’argent, il reste finalement assez peu de temps pour nous former.

Nous nous formons donc le plus souvent sur le tas, en faisant des erreurs et en connaissant de beaux moments de solitude, et en nous faisant engueuler par nos « patrons » pour cela. Ce qui est toujours assez sympathique pour garder confiance en nos capacités.

Sur le papier, le cabinet nous laisse les moyens de développer notre clientèle personnelle.

 

Ça, c’est la théorie.

 

En pratique, si le cabinet nous laisse emprunter sa secrétaire pour nos dossiers personnels, nous avons de la chance. Mais le problème ne se situe pas dans les moyens matériels de développer notre clientèle personnelle, mais dans le temps qui nous est accordé pour le faire.

 

Oui, nous sommes libres de développer une clientèle autre que celle du cabinet…

les week-end. La nuit. Les vacances.

Pendant ces moments où nous sommes sensés dormir, nous reposer, prendre soin de nous ou de notre lieu de vie, nous ressourcer auprès de nos proches, vivre une vie familiale, sociale, amoureuse.

Vivre, tout simplement.

 

Parce que même si sur le papier, le contrat de collaboration indique qu’aucun lien de subordination n’existe entre l’avocat collaborateur et son cabinet d’accueil (ce qui permet au cabinet de ne pas subir les contraintes juridiques et financières d’un véritable employeur), et que le collaborateur peut développer sa clientèle personnelle (condition essentielle à sa propre émancipation), la réalité est que la quasi totalité du temps de travail « normal » du collaborateur appartient au cabinet. Le temps de formation professionnelle obligatoire est à prendre sur notre temps personnel, par ailleurs.

Je fais un bon 9 heures – 20 heures tours les jours. Parfois plus. J’ai parfois travaillé les samedi, les dimanche, ou jusque 22 heures passées, pour finir tel ou tel dossier. J’ai parfois pris sur moi de venir au cabinet pendant des jours que j’avais posés en tant que congés. Et je sais que dans d’autres cabinets, c’est bien pire (parfois du 9h30 – minuit).

Il m’est souvent arrivé de rêver de ce monde parallèle, merveilleux et inaccessible des gens qui finissent leur journée de travail à 17 heures, en me demandant ce que je pourrais faire avec deux journées (celle au travail, et celle qui leur appartient) au lieu d’une seule et même journée au cabinet.

 

Je sais qu’il y a pire comme situation, mais l’activité d’avocat demande pas mal de concentration, beaucoup de lecture, de recherches, de réflexion, de gestion des urgences et de la pression. Quand on rentre chez nous, on est vidé. Aucun des confrères que je connais ne lit de livres en tant que loisir, tellement on lit dans le cadre du travail. La seule chose que je fais en rentrant chez moi, c’est m’abrutir devant des écrans, car c’est ce qui me demande le moins d’efforts et de concentration. Notre vie se rétrécit, tout comme nos horizons. Je connais des confrères qui ont vu leur couple se finir de cette façon.

Mais ce qu’il y a de plus fort et qui nous tient encore plus en haleine au quotidien, au-delà de la somme des dossiers à traiter, sont les objectifs chiffrés qui sont imposés dans les cabinets d’affaires comme celui dans lequel je travaille.

Je dois effectuer un certain nombre d’heures facturées par an. Si j’atteins l’objectif j’ai une augmentation. Si je suis bien en-deçà, on me pousse gentiment vers la sortie.

Ce qu’on appelle « heure facturée » est une heure de travail qu’on peut facturer à un client du cabinet (par exemple, j’ai mis trente minutes à rédiger une mise en demeure pour le client X, à qui on va pouvoir demander de payer l’équivalent de la moitié de mon taux horaire). Cela n’équivaut bien évidemment pas à une heure travaillée ou une heure de présence au cabinet.

 

Ainsi, tout impondérable (panne informatique, panne d’équipement, embouteillage sur le chemin du palais de justice…) et tout travail annexe de valorisation du cabinet (billet d’actualité juridique à rédiger pour parler du cabinet…) sera absent de la facturation au client. Le temps perdu à cause de cet impondérable ou de ce travail annexe, c’est pour ma pomme. Car ce ne sera pas comptabilisé dans mon calcul d’objectifs.

Je peux donc être au cabinet pendant 12 heures et ne pouvoir en facturer que 6.

 

L’effet pervers de ces objectifs chiffrés à l’année est que lors des vacances judiciaires par exemple, lorsqu’il n’y a pas trop de dossiers à se mettre sous la dent mais qu’on n’a pas pu poser ses congés à ce moment-là, on sait que le « temps perdu » à ne pas avoir assez d’affaires à traiter devra être rattrapé à un moment ou à un autre. Les mois de septembre et octobre deviennent assez apocalyptiques. On est donc stressé quant on a trop de boulot, mais également quand on n’en a pas suffisamment.

De même, si j’ai la mauvaise idée d’être clouée au lit quelques jours, non seulement je ne suis pas couverte par la sécurité sociale (RSI…), mais je dois en plus rattraper le temps perdu sur mes prochains jours afin de ne pas perdre mon objectif de vue. Il y a donc une vraie culpabilité à être malade… Et un présentéisme parfois dangereux pour soi-même et pour les collègues.

Mes congés, je ne les pose pas non plus comme je veux. Tout est à négocier avec les associés et contrôlé par une DRH (curieux pour du libéral, non ?).

Tout ce que je viens de raconter est d’un banal sans nom. Je connais des confrères qui ont vécu bien pire.

 

Mais pour moi, cette situation est anormale pour deux raisons.

La première, est que ce quotidien spartiate pourrait être supportable s’il était temporaire et s’il débouchait soit sur de bons revenus, soit sur de bonnes perspectives professionnelles.

 

Le problème est que nous n’avons, jeunes avocats, ni l’un ni l’autre.

Dans certaines régions de France, la rétrocession mensuelle nette des jeunes avocats ne dépasse pas les 1400 euros. Nous gagnons donc bien moins que le SMIC horaire… après 7 ans, parfois plus, d’études supérieures. Alors qu’on exige de nous de déverser pour le cabinet la quasi-totalité de notre énergie vitale et intellectuelle.

De plus, il semble aujourd’hui de plus en plus difficile de s’installer ou de devenir associé d’un cabinet préexistant. Le fait de sacrifier pendant plusieurs années nos vies personnelles ne constitue absolument plus une garantie de s’en sortir, et certains restent collaborateurs pendant plus de dix ans sans avoir réellement de perspectives.

La deuxième raison de trouver cette situation anormale, est que finalement, le contrat de « collaboration libérale » tel que pratiqué actuellement dans la plupart des cabinets n’offre finalement que peu de libertés, et surtout, de temps, denrée rare.

Alors oui, je peux, de temps en temps, arriver tard ou me prendre un moment pour aller à un rendez-vous médical… Mais tout ce que l’on prend doit être rendu… Afin de rester dans les clous des objectifs chiffrés.

Une des raisons pour laquelle je voulais décrire mon quotidien était de dire de vous méfier de ces discours qui incitent tout le monde à être des libéraux et indépendants, qui pour certains, n’auront d’indépendants que le nom.

Parce qu’au final, le risque est à la fois d’avoir une bonne partie des inconvénients du salariat (quasi-lien de subordination, manque de libertés) et des professions libérales (charges lourdes, protection minime) sans en avoir les avantages, si on détricote totalement le salariat en faveur, à terme, d’un monde entièrement constitué de soi-disant « indépendants »…

Enfin, je voudrais aussi souligner que ma situation est plutôt privilégiée par rapport à celle d’autres avocats qui exercent dans des spécialités plus rudes (droit de la famille, droit pénal…). Nombreux sont les confrères qui sont rétribués essentiellement avec l’aide juridictionnelle dont le montant est ridicule et permet à peine de couvrir les frais de gestion d’un cabinet et les cotisations qui pèsent sur eux. Ils sont nombreux à travailler pour presque rien, tout cela parce qu’ils refusent de laisser les plus démunis sans défense juridique. J’ai connu des confrères brillants pénalistes qui peinaient à gagner plus de 1000 euros par mois…

 

Post-scriptum : ah oui, j’oubliais, bien entendu, en tant que « libérale », en cas de rupture de mon contrat même à l’initiative du cabinet, j’aurai droit à zéro chômage…

 

Elle n’est pas belle l’« indépendance » ?

Image de Petit Louis

12 commentaires sur “Indépendante… enfin, sur le nom du contrat.

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  1. Pour avoir été secrétaire (« utilisée » parfois par les collaborateurs…) dans un cabinet d’avocats, je confirme. C’est une vie de dingue que celle de collaborateur, on ne leur fait pas de cadeau. Ils (plus souvent elles) étaient souvent à leur arrivée et parfois même jusqu’à leur départ assez sympathiques envers nous, les utilitaires, le petit personnel… leur contact était plus agréable, plus empathique, plus humain, plus civil que celui des avocats employeurs. Jusqu’à ce qu’ils deviennent à leur tour avocat, embauchent des collaborateurs, et la boucle était bouclée !

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    1. Oui en effet, j’ai toujours essayé d’être la plus humaine possible avec les secrétaires et de rendre le travail agréable, et elles nous le rendaient bien !
      Même si selon les associés, en général il est mal vu de « copiner » avec des secrétaires…
      Enfin, au-delà des « grades », nous sommes des êtres humains avant tout, non ?
      Etre cordial n’empêche pas de bien travailler…

      Merci pour votre témoignage !

      PS : pour précision pour les lecteurs, les collaborateurs sont déjà avocats. Lorsqu’ils ne sont plus collaborateurs, ils deviennent « associés »

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  2. Ce bien sombre témoignage, est hélas logique : si on valorise « l’entreprenariat », c’est surtout une valorisation médiatique. Les entrepreneurs issus de la base, sont les « ennemis » du capital et de l’Etat (le bras armé). Pourquoi attaque-t-on les professions libérales, les commerçants, les artisans… parce qu’ils sont en principe, propriétaires de leurs moyens de production ; et de ce fait, ils ne s’en laissent pas compter par le gouvernement, le grand patronat et toute sa propagande.

    Il vaut mieux pour eux, un salarié plus ou moins précaire, un chômeur, un retraité… ils sont totalement dépendants des dirigeants en terme de revenus, et donc naturellement plus contrôlables par les élites.

    Quand je pense que l’on assiste à la propagande pour que des chômeurs se lancent à leur compte. La plupart ne gagnent pas un kopeck, mettent la clef sous la porte entre 1 et 3 ans, et les gros rachètent les fonds de commerce en faillite à peu de frais… Voilà la réalité.

    Etrange paradoxe de notre économie « libérale », qui aboutira au même résultat que feu l’URSS : Une masse d’esclaves, totalement indépendantes des élites pour tous les aspects de la vie quotidienne.

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  3. Je suis en Master 2 Droit de la propriété littéraire et artistique, hésitant entre le barreau et la thèse de doctorat… Sur ce site j’ai pu lire le quotidien de chacune de ces voies. Je me dis que, quoi que je choisisse et en dépit des préjugés que m’opposent beaucoup de mes amis « profanes », dans tous les cas je (nous ?) vais galérer comme c’est pas permis (ou plutôt, comme ça l’est maintenant)…
    Moi qui ai quitté le monde de la boulangerie, pour fuir ce quotidien anxiogène et déprimant qui m’était promis, je vois que je m’enfonce vers le même, partout, où qu’on aille, ça sera la même merde…
    « Tant pis, on est pas né sous la même étoile », comme disait le poète.
    Courage à vous, future (?) consœur.

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    1. Bonjour,

      Déjà bravo pour être arrivé en M2 PI !
      Ensuite, garde en tête que ce témoignage concerne :
      – un cabinet de droit des affaires (ce à quoi tu pourrais difficilement échapper avec ta spécialité, je suppose),
      – d’une certaine taille, et qui fixe donc des objectifs chiffrés en terme d’heures facturées.

      D’après ce que j’ai compris, ce n’est pas forcément le cas pour les petites structures qui fonctionnent encore à la tâche accomplie.
      Le fait de ne pas devoir compter ses heures facturées à l’année doit enlever, je pense, un certain poids.
      En contrepartie, le fait de travailler dans une petite structure apporte d’autres contraintes, surtout en terme de manque de moyens. C’est à dire : pas forcément accès à toutes les ressources documentaires au cabinet et donc parfois, obligation de se déplacer au Palais pour y avoir accès ; gros déplacements à prévoir pour plaider à Trifouillis les Oies avec des difficultés pour se faire rembourser rapidement ses frais de déplacement, et parfois même, absence de remboursement du ticket de parking par ton cabinet. Et bien sûr, rétrocession d’honoraires au minimum syndical.

      C’est en tout cas ce que j’ai compris de certains échanges avec des confrères.

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  4. Bonjour,

    Ce que vous décrivez, avec une justesse infinie, est ce qui me pousse à me lever le matin. Vous mettez des mots sur ce que ressentent bon nombre de vos confrères et c’est une situation qui ne date pas d’hier ! D’après l’Observatoire du Conseil National des Barreaux, près d’un jeune avocat sur deux quitte la profession dans les cinq premières années d’exercice. C’est dramatique, après en effet un tel investissement en termes d’études, de temps et d’énergie. C’est d’autant plus dramatique que le métier d’avocat est en soi un métier merveilleux…

    Je suis membre de la Commission Qualité de Vie et Solidarité du Barreau de Paris, et avec l’Ordre nous avons participé cet été aux états généraux de la collaboration libérale dont le rapport devrait bientôt être rendu public.

    Nous cherchons des solutions concrètes pour transformer cette situation et venir en aide aux avocats qui en ont le plus besoin. Par exemple, avec la Commission nous avons réussi à faire financer, pour chaque avocat, la possibilité de faire un bilan de compétences avec un professionnel pour l’aider à prendre du recul sur sa carrière. À un niveau plus collectif, nous offrons nos compétences en formation initiale et continue sur des thèmes comme l’équilibre vie privée-vie professionnelle, et à peu près tout ce qui a trait à l’amélioration de la qualité de vie au travail. Enfin, nous faisons de notre mieux pour éveiller les consciences (comme vous le faites ici) et convaincre les cabinets d’investir dans la qualité de vie de leur collaborateurs avec un triple effet kisscool : un renforcement de la cohésion et de la motivation, une chute du turn-over et des départs volontaires, et surtout un accroissement du chiffre d’affaires parce qu’un cabinet où les avocats se sentent bien est un cabinet où les clients se sentent bien…

    Rome ne s’est pas construite en un jour et il ne faut ménager aucun effort. Votre témoignage est précieux et touchant, et je me demandais si vous accepteriez que j’en fasse part à mes confrères et collègues lors de la prochaine réunion de notre Commission. Vous pouvez m’écrire depuis le site internet dont je laisserai l’adresse visible à cette fin.

    Merci encore pour ce billet et surtout bon courage pour la suite.

    Bien à vous,
    Michaël

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    1. Bonjour Mickael,

      Je fais désormais partie des 50% d’avocats qui quittent la profession avant les 5 premières années de barreau…
      En effet, de l’eau a coulé sous les ponts depuis l’envoi de mon témoignage et j’ai fini par raccrocher la robe afin de poursuivre un vieux rêve qui me demandait un minimum de ce que mon métier ne me donnait pas : du temps…

      Et ne croyez pas que ce sont les plus mauvais ou les plus fragiles qui partent en premier (comme je l’entends parfois) : il y a de très bons éléments, souvent les plus idéalistes, qui prennent le risque de partir vers l’inconnu et de renoncer à leur titre. Ce qui est loin d’être lâche…

      Je remarque que vous proposez du coaching face à ces problèmes, des formations sur l’équilibre vie privée – vie pro…
      C’est très louable. Cependant, ces formations et bilans de compétence à destination des individus risquent de faire dériver l’attention par rapport à un problème systémique et collectif qui nécessite que nous changions tous de paradigme.

      Un seul exemple : n’est-il pas anormal que le terme « collaboration libérale à temps plein » existe encore ??
      Pour moi ce terme est antinomique.

      A mon sens, si les cabinets veulent bénéficier des avantages d’avoir un collaborateur pas cher (prendre un collaborateur à Bac +5 et des brouettes qui paye toutes ses charges tout seul coûte à peu près la même chose qu’employer une secrétaire au SMIC), ils DOIVENT jouer le jeu de la collaboration.
      C’est à dire :
      – proposer une vraie formation au quotidien, et que ce ne soit pas qu’une clause de style sur un contrat ;
      – accepter que tout contrat de collaboration soit un contrat à temps partiel, car par essence, si le collaborateur libéral doit pouvoir développer sa clientèle perso, il doit avoir le temps de le faire ;
      – accepter que, par exemple, chaque contrat de collaboration laisse libre au minimum 1/5 du temps de travail du collaborateur pour que ce dernier puisse développer sa clientèle perso, faire ses dossiers perso, développer son cabinet (réseautage, communication…) et faire sa formation professionnelle, et donc baisser tous les objectifs chiffrés en proportion ;
      – accepter que cette notion des 1/5 ne soit PAS corrélée par une baisse de la rétrocession de 1/5, car les minimums syndicaux et les rétrocessions en général sont suffisamment ridicules ainsi par rapport à la masse de travail et la qualification pro de l’avocat collaborateur.

      Je vois déjà des cris d’orfraie qui disent que les cabinets ne pourront pas s’en sortir ainsi. J’ai juste envie de dire que jusqu’ici les associés ont largement profité d’un salariat déguisé et d’une main d’oeuvre à la fois très diplômée et bon marché qui pouvait les remplacer lors d’audiences chronophages et/ou lointaines. Bref, ils ont pu bénéficier d’un bien à un prix dérisoire par rapport à sa valeur réelle.
      J’ai juste envie de siffler et de dire que la récréation, les privilèges de classe, c’est terminé.
      Nous n’avons pas demandé à naître dans les années 80-90 et à observer en silence nos ainés dans des positions sociales et matérielles envieuses que nous n’aurons jamais, et de surcroit à nous réduire en esclavage et à sacrifier nos vies pour grossir encore un peu plus leurs profits.

      A mon sens, si un contrat de collaboration libérale est en « temps plein », ce n’est tout simplement pas du libéral. Point.
      Ce sont aux avocats associés d’assumer cela, ou alors, d’offrir une véritable collaboration avec une rétrocession décente.

      Alors je suis désolée si cela peut vous vexer, mais même si le coaching peut soulager, il ne constitue pas plus une solution globale à un problème systémique qu’un pansement sur une plaie béante…

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      1. Chère Me D,

        Avant tout pardon pour ma réponse tardive, le mois de novembre est un mois souvent très chargé dans mon domaine…

        Rassurez-vous, je ne suis pas vexé (il faudrait y aller beaucoup plus fort pour y arriver !) et bien au contraire : je partage votre point de vue.

        C’est un oxymore que de parler de « plein temps » pour une « collaboration libérale ». Les différentes contrepartie que vous soulevez me semblent parfaitement légitimes, et ceux qui prétendent que les cabinets ne pourront pas s’en sortir n’ont pas compris que la profession est en train de se transformer et que la valeur ajoutée de l’avocat se déplace.

        Oui, j’accompagne les avocats en individuel sur des bilans de compétence / coaching, mais la majeure partie de ma clientèle est constituée de cabinets d’avocats, que j’accompagne en tant qu’équipes sur leur stratégie, leur cohésion, pour que justement chacun dispose des moyens de réaliser tout son potentiel. Car c’est en misant sur l’intelligence collective que les cabinets finiront par tirer leur épingle du jeu ! Je vous invite à lire, si le sujet vous intéresse, un petit article que j’ai rédigé le mois dernier, publié sur le site du village de la Justice, intitulé « le cabinet d’avocats sexy ».

        Bien évidemment, je n’ai pas la prétention de croire qu’à mon modeste niveau je puisse apporter une « solution globale à un problème systémique ». En même temps je ne crois pas que ce soit mon rôle, mais plus celui des représentants de la profession… personnellement je me contente d’apporter ma pierre à un édifice fébrile. Mais j’ai plutôt confiance en l’avenir, les cabinets avec lesquelles je travaille vivent des transformations plutôt chouettes et leurs collaborateurs restent et le vivent plutôt bien !

        En tout cas, je suis heureux de constater que vous avez donné un nouveau sens à votre carrière et surtout que cela vous permette de vous épanouir 🙂

        Dans l’attente du plaisir de vous lire à nouveau, je vous souhaite plein de succès dans vos projets !

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  5. N’oublie pas de rajouter que si tu quittes la profession avant 15 ans de barreau, tu perds le montant de tes cotisations retraites. J’ai lu que le CNB c’était battu pour nous sur ce point et que cela aurait changé. Vu les chiffres ridicules annoncés sur leur tract, je n’en suis pas si sur.

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  6. Dans le cadre d’une relation de travail entre une entité et un travailleur « indépendant » (souvent des commerciaux travaillant avec un statut de VDI), les juges prud’homaux ont requalifié la relation de travail en contrat salarié CDI dès lors qu’un lien de subordination pouvait être établi (rapports d’activité, convocation aux réunions,…).
    Avec paiements des salaires rétroactifs !

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    1. J’ai entendu l’histoire d’un avocat qui avait voulu faire requalifier son contrat en contrat de travail devant la justice et qui s’y était cassé les dents. Je ne me souviens plus de la jurisprudence exacte mais croyez bien que les avocats associés (les « patrons ») font tout pour que le lien de subordination ne soit pas détecté dans les radars des juges…

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