« J’ai été déclarée en bore-out. »

Le mois dernier, alors que je venais de terminer mes partiels, j’ai décidé de tenter l’aventure de l’intérim. Apparemment il s’agit de faire de petites missions, rémunérées 20% mieux que le SMIC, et qui ne durent pas trop longtemps.
Ça me paraît honnêtement être le contrat « idéal » quand on est une étudiante en vacances. Et pas trop fatiguant.

Je m’inscrit donc dans une boîte non-loin de chez moi, et peu de temps après, on m’envoie sur ma première mission. Je suis toute excitée, je réussis mon entretien haut-la-main, je suis confiance, j’ai hâte de travailler.

Le premier jour, on me brief, on m’explique ce que je vais devoir faire. Il s’agit d’être hôtesse sur un stand, et ce pendant quelques semaines. Pas de soucis, ça m’a l’air facile, j’ai déjà de l’expérience dans ce domaine.

Je travaille toute l’après-midi. 5h par jour. Au début je suis enthousiaste, je m’investis, je vais vers les gens. Je me sens utile.
Puis je commence à m’ennuyer à mon poste. Il n’est pas rare de ne pas voir une seule personne sur le stand pendant 45 minutes.
Parfois, il est vide toute l’après-midi.

Mais je ne peux pas m’asseoir. Ma supérieure vient me le rappeler lorsqu’elle voit que, vu que le hall est vide, j’ai eu le malheur de m’asseoir 5 minutes.
Je ne peux pas consulter mon téléphone non plus, même s’il est caché derrière mes tracts, et qu’il disparaît évidemment au moindre client à l’horizon.

Je dois rester 5h debout. Sans sortir mon téléphone. Et fixer l’horizon. Attendre en souriant. Être un meuble.

Vu comme ça on dirait un job cool, oui, je suis payée à rien faire, haha super mon travail est facile. Moi aussi avant je me serais estimée heureuse de pouvoir gagner ma vie en faisant le moindre effort… Mais je vous assure que le temps passe tellement lentement, et on se sent tellement dévalorisé, que ça ruine le moral.

J’ai essayé d’arranger les choses. Moi et mes collègues avons dit des dizaines de fois à ma supérieur que personne ne venait sur le stand (stand auquel elle passait 30 secondes par jour), et nous lui avons proposé des solutions pour améliorer la situation. Nous nous sommes investies.

Nous avons gentiment (ou pas) été remises « à notre place ».

Lorsque j’ai décidé de sortir mon téléphone parce que l’ennui me mettait de mauvaise humeur, et que ma supérieur l’a vu, je lui ai dit honnêtement que le téléphone m’aidait à supporter l’ennui. Qu’il n’y avait, encore une fois, eu personne en 2h30 sur le stand.

Elle m’a dit qu’elle allait essayer de « réduire nos horaires » pour solutionner le problème. J’étais contente d’être enfin écoutée, sauf que c’était loin d’être le cas, en réalité.

Elle est revenue me dire fièrement qu’elle avait viré la personne qui travaillait sur le stand le matin, mais que moi, mes horaires restaient inchangés, et qu’à partir de maintenant je n’avais plus intérêt à sortir mon téléphone.
Clairement une stratégie pour me remettre à ma place, à la limite du harcèlement.

J’ai été déclarée bore-out le lendemain. Ma supérieur a appelé mon agence d’intérim, et leur a dit que je n’étais pas sérieuse, et que j’avais mal pris le fait qu’elle m’ait demandé de ne pas sortir mon téléphone. Que mon arrêt était bidon.
En gros, elle n’a pas supporté le fait que je refuse d’être un meuble, et que je l’ai « lâché » pour le stand, alors qu’elle n’a eu aucun scrupule à lâcher l’intérimaire qui occupait le poste du matin et qui comptait sur ce job pour payer ses factures, juste pour asseoir son autorité.

Lorsque je suis allée déposer mon arrêt dans ma boîte d’intérim, la conseillère à roulé des yeux. Évidemment.

Je n’ai jamais eu d’arrêt maladie de toute ma vie, même lorsque je bossait 15h par jour en colonie. Les intérimaires n’ont pas le privilège de pouvoir être malade. Encore moins si c’est une maladie mentale.

Mais le patron a toujours raison, n’est-ce pas?

 

image via www.flickr.com

3 commentaires sur “« J’ai été déclarée en bore-out. »

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  1. Quiconque a deja travaille dans un job ayant une activite liee a une clientele, sait que les moments d’attente sont parfois insupportables.
    Tres vite, on developpe des technique pour eviter que son cerveau ne se transforme en ravioli 🙂
    Mais il arrive assez souvent, qu’il n’y ait plus rien a faire.
    Et la…la, l’ennuie arrive.
    On regarde l’horloge ou sa montre…et on commence a compter les secondes.
    Et le cerveau n’aime pas ca…alors tout devient pesant, tout devient lent et rapidement le moral tombe en chute libre.

    Alors apres quelques semaines, mois, annees…l’etat du moral et du corps se degradent.

    Bref, c’est horrible.
    C’est a cause d’un boulot comme ca que j’ai su que je voudrais faire de longues etudes pour que jamais je n’ai a faire ce genre de job et aussi pour eviter qu’on me parle comme il est d’usage de parler aux gens dans ces boulots (c’est a dire, mal, avec peu ou pas de respect).

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  2. Malheureusement, pour répondre à Mrjay, je ne pense pas que les Bac+3/4/5 soient épargnés par l’ennui au travail. Je suis actuellement en alternance en entreprise pour ma troisième année de commerce international et je n’ai rien a faire, 0 e-mail, 0 dossier sur l’ordi, heureusement que j’ai internet pour pouvoir vous répondre aujourd’hui :). Personnellement j’ai été très motivée au début, je demandais à tous le monde s’ils avaient besoin de moi, j’essayais de prendre des initiatives et on me l’a reproché, du coup j’ai perdu toute motivation au fur et a mesure de mes journées vides et finalement on me reproche aujourd’hui de n’être pas assez investie :/ Cette expérience m’a dégoûté du monde du travail et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de ne pas continuer mes études en alternance.

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